Bonjour Monsieur Thomas F.

Merci d’avoir accepté notre demande d’interview.

- Pouvez-vous tout d’abord vous présenter, et indiquer quelle est votre implication dans la lutte pour l’égalité parentale ?

Je suis un homme de 36 ans, cadre commercial.

Je suis père depuis l’âge de 29 ans, tout d’abord d’une fille puis d’un garçon. Je suis également « beau-père » d’une jeune fille depuis plus de 3 ans.

Fin 2013, alors que mon fils n’avait que quelques mois, j’ai dû faire face à une situation des plus difficiles, certes au tout début due à la rupture avec la mère de mes enfants mais surtout, à l’éloignement contraint et forcé de mes enfants sur décision de justice, m’imposant un mode de garde qualifié de « classique » pour le père (1er, 3ème et 5ème week-end du mois et la moitié des vacances scolaires), ne me laissant que peu de place dans leurs quotidiens, notamment pour être en mesure de participer à leur évolution, leur éducation … alors que j’ai toujours mis un point d’honneur à m’investir dans mon rôle de père.



- Avez-vous été confronté de manière personnelle à la gestion de conflits familiaux impliquant des enfants ?

Oui, dès l’arrivée de mon aînée.



A/ Vous étiez l’un des intervenants de l’association SOS PAPA Paris.
- Comment avez-vous rejoint cette structure ?


J’ai vécu et vis encore cette situation comme la plus grande des injustices et ai cherché à comprendre si j’étais seul à vivre ce type de situation. Je me suis alors rapproché du siège parisien de l’association SOS PAPA et ai pu constater que nous étions très nombreux à être dans le même cas. Voulant contribuer à un changement quant à cette injustice que subissent les pères, j’y ai rapidement animé des permanences pendant près de 2 ans.


- Quelles sont les actions et démarches que vous y avez effectué ?

J’ai passé près de deux années à recevoir des pères, pour la plupart abattus, pour certains au bord du gouffre, certains autres, très rares, venaient simplement s’informer avant une séparation.

Au cours de ces permanences, je les ai écoutés, ai essayé de répondre à leurs questions, leurs inquiétudes et ai essayé de les préparer « psychologiquement » à ce qui pourrait malheureusement survenir par la suite, en essayant d’être le plus pédagogue possible, parfois n’ayant pas d’autres recours qu’à la fermeté.



- A combien de dossier avez-vous été confrontés environ ?

C’est très difficile de quantifier le nombre de « dossiers », d’ailleurs je préférerai utiliser le terme « d’histoires » car le terme m’apparaît moins impersonnel, et ce sont véritablement des récits dignes des plus tristes scenarii qu’il nous ait donné de lire ou de voir dans les médias ou dans les fictions, de véritables ouragans qui dévastent les vies de nombreux pères.

En prenant en considération une fréquence bimensuelle d’animation des permanences, le nombre de personnes présentes à chacune de ces permanences, en isolant les personnes qui pouvaient assister régulièrement aux permanences, j’estime avoir été confronté à plus de 150 histoires différente
s.


- Au vu de votre connaissance du secteur, quelles sont les propositions majeures que vous effectueriez si vous en aviez la possibilité ?

Suivis psychologiques des 2 parents et des enfants dès la séparation / fracture de la cellule familiale et sur une période minimum de 5 ans afin d’accompagner en douceur ce changement de vie et éviter toute dégradation psychologique des enfants et des parents, d’éviter l’isolement entre les enfants et l’un des parents, et d’évincer tout débordement lié à une haine d’un parent envers l’autre (mensonges d’un des parents quant au comportement de l’autre, insultes, plaintes, interdiction d’approcher d’une zone géographique, …) ce qui permettrait par la même occasion de désengorger les commissariats, les tribunaux …

Mise en place par défaut du principe égalitaire de la résidence alternée dès la séparation.

Vérification que les sommes versées pour les enfants dans le cadre de versement de contribution à l’entretien et l’éducation des enfants (pension alimentaire) bénéficient comme il se doit aux enfants : mise en place d’un contrôle trimestriel / semestriel avec pointage des justificatifs et rapport au magistrat par un organisme indépendant nommé par la justice.

Mise en place d’une médiation familiale obligatoire jusqu’à l’âge adulte des enfants, afin de maintenir des relations entre les parents, et ce dans l’intérêt des enfants.

… en un mot, toutes les mesures qui visent à ce que les enfants soient les mieux protégés possibles et que les parents ne les utilisent pas comme des gagnes-pains …



B/ Il y a beaucoup de structures impliquées dans la lutte pour l'égalité parentale, la défense des droits des pères, etc …
- A votre avis, quelles sont les organisations majeures en place actuellement et susceptible d’avoir un véritable impact au niveau national ?


En mon for intérieur, je n’en vois pas une seule.


- D’après-vous, d’où provient la baisse du poids de la parole des pères ces dernières années ?

Personnellement, je pense que le poids de la parole des pères n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui.

En effet, à mon sens, les pères ne se font entendre que depuis quelques décennies sur leurs droits à voir leurs enfants, à participer au quotidien de la vie de leurs enfants, à contribuer à leurs éducations.

D’ailleurs, combien d’entre nous ont souvenir d’avoir vu leur propre père changer des couches, préparer à manger pour le dîner en semaine, faire faire les devoirs du soir aux enfants … ?

Si ma mémoire est bonne, dans les décisions de justice qui traient aux divorces par réels consentements mutuels, c’est environ 79% des pères qui se contentent du droit de visite et d’hébergement classique que l’on gratifie du terme commun « d’un week-end sur deux » et dont la réalité est toute autre, puisqu’on peut l’appeler « 26 / 4 », 26 jours avec la maman, 4 jours avec Papa.

Les pères qui s’investissent dans les tâches quotidiennes du foyer pour les enfants sont encore à ce jour une minorité.

Il faut préciser que bon nombre de pères, surtout nouvellement pères, ne se sentent pas capable de s’occuper des tâches quotidiennes de leurs enfants, et de leur prodiguer les soins quotidiens. En effet, dans la répartition des tâches du foyer, il est fréquent que la mère demande à se charger de ces tâches dès l’arrivée des enfants.

Il est primordial que les pères s’investissent davantage dans l’intendance et les tâches quotidiennes de la vie de leurs enfants, avant que n’intervienne la rupture de la vie familiale.



- Comment pourrait-on créer une « bourse des idées » afin de lister et d’établir les propositions les plus utiles et plus populaires ?

Je pense que pour faire avancer les mentalités et les décisions de justice, il serait opportun d’organiser des conventions pendant lesquelles échangeraient et se confronteraient des « comités » qui seraient formés par « professions ».

On pourra alors avoir un comité de magistrats, un comité d’assistantes sociales, un comité de psychologues, un comité de pédopsychiatres, un comité d’enseignants, un comité de médiateurs familiaux, …, un comité de mères, un comité de pères, dont les compositions en nombre et en sexe ainsi que les provenances géographiques devront être homogènes afin d’être les plus justes possible.

Cela pourra peut-être permettre de comprendre réellement les préoccupations de chacun, dans leur ensemble, plutôt que de les traiter individuellement lorsqu’elles sont communiquées, dans des conditions très chronophages, onéreuses et douloureuses tant pour les adultes que pour les enfants.



- Que pensez-vous de l’idée de créer une Confédération des Défenseurs de l‘Égalité Parentale, qui permettrait à toutes les structures de garder leur indépendance et leurs spécificités locales, mais de se regrouper pour devenir force de proposition auprès de nos élus ?

Cela me paraît être une excellente idée, qui se révélera certainement être très challenging dans la mise en place et dans l’animation.


- Avez-vous quelque chose à rajouter en plus de ces questions ?

Non.

Merci, et nous vous souhaitons une excellente journée:)

=> Thomas F. a animé les permanences du mercredi soir de SOS PAPA Paris et a soutenu et informé nombre de personnes en grandes difficultés (dont votre serviteur). Il possède un véritable niveau de réflexion sur le secteur, et son avis méritait d’être partagé avec la communauté.

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2 réflexions au sujet de “Thomas, ex-animateur de SOS Papa Paris”

  1. Bonjour,
    Je viens d’engager un travail sur le sujet et j’aimerai rencontrer ou échanger avec Monsieur Thomas. F
    Est-il possible, pour vous, de faire une mise en relation ?

    Bien à vous

    Stéphane .L

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